Imposition individuelle: Une notion – de nombreuses interprétations

Pro Single Schweiz, 31.1.2022

Lors de la session d’automne 2020 le parlement a décidé d’intégrer au programme de la législature 2019-2023 l’adoption d’un message du Conseil fédéral sur l’introduction de l’imposition individuelle. Le 24 septembre 2021, le Conseil fédéral a présenté une analyse relative à l’imposition individuelle. Le rapport examine 3 modèles qui pourraient être réalisés en Suisse. Pour Pro Single Schweiz il n’y a qu’un de ces modèles apte à servir de base de discussions, les deux autres ne répondent pas aux critères d’une imposition individuelle.

La mise en consultation de l’imposition individuelle n’aura lieu, selon toute prévision, qu’au dernier trimestre de 2022. Malgré ceci nous nous sommes décidés de mettre en évidence ce sujet dès maintenant puisque nous sommes conscients que de nombreuses fantaisies circulent sur ce que signifierait une imposition individuelle. Les taux d’imposition et les conséquences financières varient selon chacun de ces modèles. Les motifs de base généralement acceptés pour l’introduction d’un système d’imposition individuelle sont les suivants :

  • Imposition équitable pour tous les contribuables, indépendant de leur état civil, aucune addition des revenus de conjoints afin de casser la progressivité du barème de l’impôt.
  • Réduction du manque de personnel qualifié. L’imposition individuelle représenterait une incitation économique pour les femmes qualifiées de retourner au marché du travail.
  • Egalité des femmes, leurs revenus ne seront plus liés à celui de leur conjoint, elles deviendront des contribuables en plein droit.

 

Analyse du Conseil fédéral
L’analyse du Conseil fédéral porte sur trois modèles. Deux variantes sont présentées pour chaque modèle. La première ne prévoit aucune incidence sur le produit de l’impôt, en d’autres termes, les modèles n’engendrent ni hausse ni baisse des recettes par rapport au statu quo. La variante 2 examine les conséquences d’une diminution des recettes de 1,5 mia. de francs pour l’impôt fédéral direct.

  1. Imposition individuelle pure : l’imposition porte uniquement sur le revenu obtenu par la personne, indépendamment de son état civil. La même méthode s’applique à sa fortune. Les couples mariés sont imposés comme les couples de concubins. La capacité économique moindre des personnes avec enfants est considérée grâce à des déductions correspondantes. Les économies ménagères que réalisent les ménages à plusieures personnes par rapport aux ménages à une personne ne sont pas prises en compte. Aucune mesure d’allégement n’est prévue pour des couples à revenu inégal ou unique.

  2. Imposition individuelle modifiée :  elle prévoit des mesures pour décharger les ménages affichant une répartition inégale des revenus entre les partenaires. Une déduction pour revenu unique ainsi qu’un transfert du revenu entre les partenaires seraient possible. Des déductions pour frais de ménage et de même pour familles monoparentales et des célibataires seraient possibles.

  3. Imposition individuelle selon Ecoplan (étude privée) : maintien d’un barème parental pour des contribuables avec enfants en incluant les familles monoparentales et concubins selon le droit en vigueur. Pour tous les autres contribuables un même barème serait appliqué.

     

L’imposition individuelle pure est le seul modèle acceptable
Nous n’avons, en principe, rien contre l’introduction d’un système d’une imposition individuelle. Pourtant, notre préférence claire et nette vise l’introduction d’une « imposition individuelle pure » sans incidence sur les recettes fiscales (variante 1). Nous rejetons clairement le modèle « imposition individuelle modifiée » et celui établi par Ecoplan.

Nos motifs

  1. Il ressort nettement du rapport du Conseil fédéral que les modèles 2 et 3 entraineront une charge supplémentaire pour des personnes seules sans enfants, à moins que la variante 2, à savoir une diminution des recettes de 1,5 mia. était appliquée. Déjà maintenant, le barème pour les personnes seules est plus élevé que celui pour conjoints. Une hausse supplémentaire pour les personnes seules n’est pas acceptable.
  2. L’imposition individuelle devrait éliminer l’inégalité entre les couples conjoints et concubins. Chaque personne devrait être taxée de façon individuelle afin de casser la forte progression du barème actuellement en vigueur. Il n’a jamais été question d’introduire des allégements supplémentaires pour des couples, ce qui serait contraire au principe d’une taxation égalitaire de tous les contribuables.
  3. Le modèle de l’imposition individuelle modifiée prévoit des allégements pour les couples à revenu inégaux (ménages à un seul revenu ou faible revenu d’un partenaire). Sous la perspective d’une augmentation de la participation des femmes au marché du travail, cette mesure sera contreproductive. Le but à long terme, à savoir un partage plus égalitaire des activités lucratives et ménagères entre les conjoints, doit être considéré. Pour cette raison des redistributions fiscales entre conjoints doivent être rejetées.
  4. Le modèle Ecoplan prévoit un barème familial. Ceci n’est pas compatible avec l’imposition individuelle. Le principe de l’égalité n’est pas respecté avec deux barèmes différents.
  5. Seul une imposition individuelle pure crée une motivation pour un ménage à chercher un deuxième salaire car le barème progressif est éliminé. Il y a un gain supplémentaire pour le ménage.
  6. Nous sommes de l’avis que le changement du système ne devrait pas entraîner des conséquences négatives sur les recettes fiscales de l’Etat. Ainsi nous favorisons la variante 1.
  7. La « capacité économique » d’un ménage ne doit pas uniquement être déterminée par son revenu réel.  Celle-ci doit être mise en rapport avec la capacité potentielle et l’engagement d’un ménage. En d’autres termes, le renoncement volontaire à un revenu, tout en assurant l’existence par le revenu du partenaire, ne doit pas être favorisé par le fisc. Le but d’augmenter la participation des femmes au marché du travail sera compromis. Des allégements supplémentaires pour les ménages ne sont justifiés que si l’un des partenaires adultes n’est pas ou que partiellement en mesure d’exercer une activité lucrative.
  8. De manière générale la taille d’un ménage doit être prise en considération par des allégements, soit
  • déductions pour enfants puisqu’ils occasionnent des coûts
  • déductions pour ménages où il y a une seule personne adulte en mesure d’exercer une activité lucrative, avec ou sans enfants, dont la capacité économique est inférieure à celle d’un ménage qui peut générer deux revenus et qui peut, en plus, se partager les frais fixes.

 

Quatre raisons pour l’introduction d’une imposition individuelle, variante 1

  1. Du point de vue économique, un changement du système ne doit pas entraîner une diminution des recettes de l’impôt fédéral.
  2. Le nouveau système doit être conçu de façon aussi simple que possible et se distinguer nettement du patchwork actuellement en vigueur. Les modèles « imposition individuelle modifiée » et celui de Ecoplan ne répondent pas à ce critère.
  3. Ce modèle est le seul qui respecte le principe de l’égalité : toutes les personnes sont taxées indépendamment de leur état civil et de leur mode de vie. Il n’y a plus de liens au niveau fiscal.
  4. Seule l’imposition individuelle pure crée des effets positifs sur le marché du travail et sur la croissance économique. Ce modèle pourrait inciter davantage de femmes à participer au marché du travail et ainsi de réduire la pénurie de professionnels qualifiés.

 

A l’heure actuelle une collecte des signatures pour l’initiative populaire fédérale « Pour une imposition individuelle indépendante de l’état civil (initiative équité fiscale) » est en cours. Le délai de la déposition est le 9 septembre 2022.

 

Pro Single Schweiz, 31.1.2022

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